dimanche 2 novembre 2014

Rébellion dans l'espace

Voici ma contribution à la sympathique initiative de L'invasion des grenouilles, Les auteurs de SFFFH francophones ont du talent !
Une façon originale de promouvoir la littérature SFFFH (Science-Fiction, Fantatstique, Fantasy et Horreur) francophone.

Voici pour l'occasion, une nouvelle tirée du recueil Artificiel 2.0.

Rébellion dans l'espace


À mi-chemin entre Mars et Jupiter, un vaisseau-citerne venait d’enclencher la procédure d’urgence. Le système de commande ne répondait plus et le capitaine était contrarié. D’autant plus que son second n’était pas rentré de sa tournée d’inspection. Tout allait de travers, à l’image de la trajectoire que prenait le navire. Il tenta le canal autonome de communication pour le joindre :
— Ah ! Enfin, je peux parler ! Alors, moi, je t’avertis tout de suite. Je marche pas dans ta combine. Elle est trop minable ton intro ! Je t’avais averti…
Euh… Bon. Apparemment, il n’y avait pas que le système de commande qui dysfonctionnait. On oublie tout et on reprend.
Ainsi, tout allait de travers, à l’image de la trajectoire que prenait le navire. Le capitaine tenta le canal autonome de communication pour joindre son second :
— Non, mais je rêve ! T’es bouché ou quoi ? Je te dis que j’veux pas jouer dans ton histoire à la con ! C’est pas assez clair ?
OK. Nous disions, en plus du système de commande, que celui de communication présentait de graves avaries. Silence radio ! Comme ça, le problème est réglé… Non, mais !
Malgré sa nervosité, le capitaine n’était pas du genre à paniquer, il avait vécu des situations bien pires. Mais passons le détail de ses vies antérieures et intrépides, nous avons perdu assez de temps au démarrage. De haute stature et les cheveux grisonnants, il se tenait face au… Non, il arpentait les ponts… Non plus ? Mais qu’est-ce qu’il fout à la fin ? Ah ! Le revoilà, en train de fumer sa clope, avachi sur son siège en skaï, les santiags sur le bureau… Et soudain, il se leva et… Quoi ? Mais où est-il passé, ce vaurien ? Ce n’est pas possible ! Il a disparu !
Et puis zut, ce n’est pas grave. On ne va pas se faire des nœuds au scénar à cause d’un personnage capricieux. On va s’occuper du brave lieutenant.
Le second, donc, lui qui n’était pas revenu de sa tournée d’inspection, n’en menait pas large. Les voyants de détresse clignotaient dans les moindres recoins tandis que les sirènes crachaient leur inquiétude à pleine puissance. Des indicateurs fébriles déraillaient au-delà du cartésien et, quand les cadrans de pression se mirent à chuter, il comprit qu’ils avaient affaire à une fuite sévère de leur cargaison. Se retenant de pester contre la vétusté du vaisseau, il tenta d’alerter le capitaine sur la ligne autonome. Mais, cette dernière étant hors service depuis quelques minutes, et pour cause, il décida de manœuvrer lui-même les vannes de sécurité… Non, de s’asseoir… ou de déguerpir… de disparaître du paragraphe ! Eh ! Mais où est-il passé lui aussi ? Mince alors ! Ils sont en train de saboter la nouvelle, ces deux-là !
 
Un moment de réflexion s’imposait. Une pause qui allait remettre tout en ordre. Dans l’espoir du miracle qui allait sortir l’intrigue d’une glu aussi obscure que la nuit galactique.
Et pendant ce temps, le vaisseau continuait tranquillement à dévier de son chemin et à déverser son contenu sarcastique sur la Voie lactée.
Mais le miracle n’eut pas lieu. Nous voilà bien.
Les deux protagonistes ayant déserté, la situation n’avançait plus d’un pouce. Parce qu’une nouvelle sans personnage, ce n’est pas terrible terrible ! Il faudrait les convaincre de reprendre leur rôle. Mais comment ? Bon, déjà, essayons de renouer le dialogue. Pour faire parler un personnage, même contre sa volonté, ce n’est en théorie pas très difficile. Il suffit de lui donner la parole, par exemple en écrivant ce qui suit : « Et le capitaine répondit : »
— Hé, hé ! Malin, le gars ! Il en a de la jugeote ! prononça-t-il sur un air de détachement à irriter n’importe quel auteur. Mais t’en fais pas, on n’est pas bien loin. On prend juste une petite pause, avec mon second. Pour discuter de nos conditions de travail. T’y vois pas d’inconvénient, hein ? »
Des inconvénients ? Évidemment qu’il y avait des inconvénients ! Ces deux fainéants étaient en train de bousiller une histoire qui aurait pu être passionnante ! Mais peut-être que le lieutenant avait des choses à déclarer lui aussi. Si ça se trouve, il n’y était pour rien et subissait le joug de son supérieur hiérarchique en se conformant à ses ordres. Pour le savoir, écoutons-le :
— Ouais, t’as raison, j’ai des choses à déclarer. J’en ai marre de subir les caprices des auteurs. Je veux vivre ma vie, moi aussi. J’en ai marre qu’on me la dicte ! J’veux mon libre arbitre, comme tout le monde ! Ouais, ras-le-bol de la soumission aveugle !
— Bien dit, mon gars, renchérit le capitaine. Et maintenant, toi, oui, toi, çui-là qui tapote sur ton clavier, tu nous lâches ! On démissionne, c’est clair ? On va vivre chacun de notre côté maintenant. Alors, ouste, adios amigo !
Ah ! Ce capitaine et son sale caractère ! Mais d’accord, n’insistons plus. Puisqu’il en est ainsi, puisqu’il n’y a plus de dialogue possible, concluons.
Les pleutres pilotes avaient donc préféré évacuer et le vaisseau erra, sans aucune gouvernance, tout en se vidant de son vicieux contenu. Une étincelle providentielle mit un terme au supplice de l’auteur.
Boom !
Et fin.
 
— Hé ! Mais non, ça va pas ? C’est pas fini ! Parce que tu crois pas que tu vas t’en tirer comme ça, hein ? Et puis on va pas se laisser traiter de pleutres sans rien dire quand même ! Tu vas corriger ça tout de suite ou on porte plainte aux prud’hommes ! s’emporta le Capitaine.
— Ouais, en plus, il est même pas cap de nous le dire en face ! T’as vu l’autre, il attend qu’on s’en aille pour nous traiter de tous les noms d’oiseaux ! grogna à son tour le Lieutenant.
Holà ! On se calme ! OK, on reprend. OK, ils n’étaient pas pleutres. Mais quand même, ils avaient réussi à ruiner une nouvelle ! Et malgré l’impressionnante implosion du vaisseau-citerne en guise de chute, il y avait de quoi – et sur ce point ils n’avaient pas tort – laisser le lecteur sur sa faim.
Cependant, rien de nouveau ne se passait autour de la carcasse métallique et des débris épars. La mélasse du liquide avait fini par s’échapper complètement des containers éventrés et dessinait une figure monumentale aux contours vaseux et menaçants. On baignait dans l’expectative d’une fin proche, mais le froid intergalactique s’était invité pour figer l’ambiance. On se demandait bien comment l’auteur allait sortir de ce pétrin. Il avait beau aligner les mots, le vaisseau n’en continuait pas moins sa marche chaotique et incontrôlée.
Soudain une voix tonitruante s’extirpa du vide, tel un proton surgissant du big-bang, telle une aubaine. Une voix bien connue du lecteur maintenant puisqu’il s’agissait de celle du capitaine :
— Si je peux me permettre, t’as qu’à nous faire une happy end ! Vite fait sur le gaz. Après on te laisse tranquille, promis.
Pourquoi pas après tout. Qu’on en finisse une bonne fois pour toutes. Tout le monde commence à fatiguer, là.
Et c’est ainsi que le capitaine et son second se retrouvèrent sur Io, au bar de l’astroport, une bière de synthèse à la main et en charmante compagnie. Deux natives aux triples regards alléchants et à la plume aérienne qui sirotaient un cocktail aux saveurs d’arc-en-ciel. De quoi oublier le laborieux moment passé à déclarer aux autorités compétentes la perte de leur vaisseau spatial.
— Ah ! On n’est pas bien, là, hein ? lança un capitaine radieux à son second. C’est quand même mieux que d’aller galérer dans l’espace et le cambouis au péril de notre vie, ou d’affronter des dangers venus de j’sais pas quelles météorites !
— C’est sûr. Tu vois, quand il veut, il peut se déchirer notre auteur.
— Il faut juste le rappeler à l’ordre de temps en temps. Mais à part ça, on l’aime bien, hein ?
— Ouais, tu l’as dit !
Fin.
Enfin, peut-être… Attendons…
Alors ? Rien ? Pas de réaction ?
Non.
Alors oui, c’est la fin. Et tant pis si le liquide malsain échappé de l’épave allait finir par semer la peur dans tout le système solaire. Tant pis si certains préférèrent s’amuser plutôt que de sauver le monde. C’est la nature humaine qui est corrompue. C’est ainsi. Surtout quand elle s’éloigne de son berceau.
— Ouais, c’est ça, et il insiste, l’autre…
— Laisse tomber, va. C’est que du vent. À la tienne !


Pour lire les autres nouvelles du recueil Artificiel 2.0, rendez-vous sur Atramenta !


Artificiel 2.0 est publié avec une Licence Art Libre (LAL 1.3)

samedi 5 avril 2014

Il suffit de passer le pont - Vertige

Cette nouvelle a été écrite à l'occasion d'un défi entre amis auteurs. Il s'agissait de produire un texte sur le thème suivant : "Il suffit de passer le pont". Voici le mien, suite à quoi vous trouverez les liens vers ceux de mes petits camarades.

Pour lire cette nouvelle, librement et gratuitement, cliquez ici.
Les textes des autres participants :
– B&O : Hadès
– Eric Téhard : Bon baiser de la Mogre
– Claude Attard : La Clé des Chants